Une épée de Damoclès dans le col du fémur !
Fracture du Col du Fémur : Voir le récapitulatif des articles et de leurs sommaires
Il y a 130 jours je me fracturais le col
du fémur en dérapant en vélo sur du verglas et j’étais opéré le jour de Noël.
C’est le second contrôle effectué par le chirurgien et ma grande interrogation
est de savoir quand il me proposera d’enlever le métal placé en location dans
mon fémur. Ce matériel n’est pas prévu pour rester à demeure car il est très
dangereux en cas de chute. Comme je fais du vélo je n’ai pas intérêt à garder
cette véritable épée de Damoclès trop longtemps. Pourquoi ?
Une épée de Damoclés dans le col du fémur !
J’ai ce qu’on appelle une vis-plaque THS
dont on peut voir
des photos (diapo 44 et aussi 29, 30C et 31. Sur ce diaporama de 71 diapos
vous pourrez vous initier en images aux secrets des fractures du col du fémur
et des nombreux traitements chirurgicaux). J’ai donc une grosse vis qui
traverse le col du fémur jusqu’à la moitié de la tête du fémur. Cette vis sort
de la hanche pour se prolonger en formant un angle d’environ 130° par une
plaque tenue par 3 vis le long du fémur proprement dit.
Pendant tout le temps où je vais gardé ce
dispositif il ne faut surtout pas que je tombe sur cette hanche car la vis
pourrait alors s’enfoncer et se comporter comme une lance ou un bélier et aller
pulvériser la tête du fémur et même traverser le cartilage et se ficher dans
l’os iliaque.…Et là, bonjour les dégâts ! C’est la prothèse assurée avec
toutes ses conséquences alors que j’ai de bons interlignes comme disent les
médecins, c’est à dire de bons cartilages entre la tête de fémur et l’os iliaque.
Même sans choc particulier cet incident très grave arrive à certaines personnes
âgées en raison de la faiblesse de leurs os. Le cycliste a lui à le risque de
chute violente et sincèrement je tremble pour David Moncoutié, le sympathique coureur
de la Cofidis, qui s’est cassé le col du fémur en course le 5 mai 2007 dans le
Tour de Romandie et a repris la compétition depuis janvier pour disputer à
nouveau ce Tour de Romandie. Il a sans doute un dispositif analogue qui ne lui
a pas encore été enlevé. J’avais revu sa chute à faible vitesse et on nous a
même montré une partie de sa cicatrice alors qu’il s’allongeait pour passer une
radio. Elle paraît très semblable à la mienne en longueur et position.
Le chirurgien m’avait dit, quand j’étais
encore à l’hôpital, que ce matériel s’enlèverait dans 1 ou 2 ans. Alors
j’espère bien sûr qu’il va me proposer un rendez-vous pour décembre afin de
faire un nouveau contrôle permettant de décider si la contre-opération est envisageable
pour janvier ou février 2009. Je pourrais ainsi avoir reboucher le trou pour
pédaler serein en juillet. Mais ce n’est pas le seul ni le principal
problème : me libérer au plus tôt, en respectant les contraintes
médicales, de cette épée de Damoclès n’est pas qu’une question de commodité
cycliste. En cas de mauvaise chute je serais infirmé à vie pour la marche et le
pédalage.
Le contrôle par le chirurgien
C’est donc dans cet état d’esprit
confiant que je vais à l’hôpital ce 5 mai 2008 pour le second contrôle. D’abord
une radio qui est maintenant sur
ordinateur, ce qui fera sans doute à terme des économies à l’hôpital, mais je
ne pourrais donc plus les étudier moi-même ou les montrer à mon médecin et aux
amis qui découvrent ce qui pourrait leur arriver un jour… La salle d’attente
est bondée et il y a beaucoup de retard mais le chirurgien opère le matin et
les durées des opérations sont très aléatoires. C’est ainsi et il faut prendre
son mal en patience. J’ai beaucoup de questions à lui poser mais je ne le
pourrais pas car le retard accumulé est tel qu’il profitera de mon cas facile
pour gagner un peu de temps. Il n’est pas resté plus de 3 minutes avec moi !
Il me paraît fatigué mais j’ai une
sincère admiration pour les chirurgiens. C’est un dur et difficile métier
qu’ils font et il faut une bonne santé et les nerfs solides, dans mon intérêt
et celui de tous les opérés. Il me demande de marcher puis, une fois allongé il
teste la jambe en pliant le genou vers le thorax puis en l’écartant latéralement
à 45° alors qu’elle est allongée. « Vous avez tout récupéré me
dit-il. » La cicatrice est OK, plus aucune douleur à la palpation. C’est
très satisfait qu’il se dirige vers l’écran de l’ordinateur pour regarder les
radios. Bien qu’il en ait prescrit 2 avec des angles différents il n’en
regardera qu’une seule pendant quelques secondes en disant, : « ça
s’enlève en principe » en parlant du métal.
Tout est OK et la consolidation très bonne, alors on se revoit
dans un an pour opérer en juin, 18 mois après la fracture, me dit-il. J’ai vraiment ressenti une grande déception.
Je lui demande si on ne peut pas le
faire plus tôt mais il répondra que tout le monde lui demande ça… Il me dit
aussi qu’il faudra alors marcher 1 mois avec des cannes à cause du trou qui
rend l’os fragile. Le vélo en montagne pour 2009 c’est fini …Ce fut une
déception certaine, d’autant plus qu’il a pris cette décision de façon très
administrative sans vraiment se donner les moyens de le faire plus tôt si les
conditions étaient satisfaites car alors il m’aurait proposé un rendez-vous
pour décembre ou janvier ou même février, comme je le pensais, afin de prendre
une décision à ce moment-là : faire ou repousser.
Une clinique privée ?
Je ne reproche cependant rien à mon
chirurgien. Il doit aussi gérer des flux de patients et l’hiver apporte son lot
de fractures liées en particulier au verglas. Je pense qu’il a bien fait son
boulot pour moi le matin de Noël, en particulier en me prenant en premier puis
en me remontant le moral après une opération bien conduite. Je suis ainsi placé
devant un problème important pour moi : imaginez qu’en mai 2009 je fasse
une mauvaise chute et que je casse la tête du fémur alors que si le matériel
avait été enlevé en février j’évitais cet accident très grave. C’est cela
l’enjeu de mon problème et pas uniquement d’aller pédaler en montagne en
juillet 2009.
Alors je m’interroge : après tout,
le secteur privé est aussi là pour régler des problèmes de façon plus
personnalisée. Je peux chercher un
chirurgien opérant en clinique et qui pourrait prendre une décision motivée en
fonction de mon état réel dans 7 ou 8 mois. Je suis prêt à m’incliner devant un
avis médical pour attendre juin 2009 s’il le faut, mais j’accepte mal
d’accroître, pour des raisons plus administratives que médicales, un risque
aussi important sans rien faire ni tenter.
D’autant plus que j’ai déjà fait beaucoup
pour accélérer la consolidation, en particulier par la mil-thérapie
(voir le § mil-thérapie), et que je suis décidé à prendre une bonne série de
séances pour boucher ce trou au mieux et au plus vite après l’enlèvement des
vis. Mais je ne pouvais pas en parler au chirurgien.
Sur certaines limites de la médecine
Après des tests rapides le chirurgien m’a dit que j’avais tout
récupéré. C’est loin d’être vrai mais les tests auxquels il se livre sont très
limités. Par exemple la jambe tendue déplacée latéralement à 45° alors que sur
une barre de danseur on la met au moins à 90° sinon plus et que j’y parviens de
nouveau depuis plus d’un mois. Ce n’est pas une critique mais je pense qu’il
faut le savoir : j’ai depuis longtemps observé que le degré d’exigence de
la médecine et des médecins en matière de santé, c’est à dire pour nous
déclarer en bonne santé, est très moyen. Je ne milite pas pour que cela change,
les conditions de notre système de santé sont telles que le changement à toute
chance de se faire vers une réduction de ce niveau d’exigence plutôt qu’une
élévation. Les médecins et le personnel de santé ne sont pas individuellement
responsables, pas plus que les enseignants, et j’en fus un, ne sont
responsables du système dans lequel ils doivent travailler.
L’enseignant comme le médecin doivent faire tourner un système qui
ignore l’essentiel de ce qu’est réellement un être humain. J’en souffrais en
tant qu’enseignant et les médecins ne sont pas mieux lotis. Mais nous le
public, candidat à devenir un jour un patient obligé de cette médecine, il vaut
mieux le savoir et compléter les manques par nos propres moyens plutôt que de
râler et d’exiger l’impossible. L’impossible c’est à nous de le créer et de le
faire vivre. Une administration ne peut pas créer. L’Education nationale en est
incapable par nature tout comme la médecine hospitalière. Ce n’est pas une
critique, c’est ainsi par la nature des choses. Une vraie création ne peut se
faire qu’en dehors des systèmes.
Un exemple : comment Dick Fosbury a-t-il découvert son
extraordinaire méthode de saut en hauteur, aujourd’hui universellement adoptée,
sur le dos la
tête la première ? En sautant seul, abandonné par les entraîneurs qui
ne parvenaient pas à le faire sauter correctement. C’est alors qu’il a eu ce
coup de génie qu’aucune commission de spécialistes n’aurait pu inventer. Dans les années 50 la technique de saut la plus performante était le rouleau
californien, c’est à dire en franchissant la barre sur le côté. Le record du
monde était détenu par un noir américain avec 2,145 mètres. Les soviétiques ont
alors décidé d’étudier le problème et ont réunis de multiples
spécialistes : mécaniciens, physiologistes, biologistes, médecins,
sportifs… Ils ont mis au point le
rouleau ventral ainsi que des méthodes d’entraînement pour porter le record
du monde à 2,28 m avec Valéry Brumel.
Le progrès était extraordinaire mais toute cette assemblée de
spécialiste aurait été incapable d’imaginer qu’il fallait passer sur le dos et
la tête la première ! Il faut l’admettre, c’est assez renversant !
Imaginons un instant la première réunion de cette assemblée : le président
déclare que tout est ouvert et que toutes les solutions doivent pouvoir être
essayées, c’est la position de principe. Un petit plaisantin avance alors qu’on
pourrait essayer de sauter sur le dos la tête la première…Grand éclat de rire
dans l’assemblée. Notre ami plaisante, je présume, ponctue le président. Et
l’affaire est close. C’est ainsi dans tous les colloques, réunions et commissions quand vous
proposez des solutions trop originales et dans toutes les disciplines, y
compris en mathématiques. Il n’y a
pas à s’en scandaliser, c’est ainsi, on n’y pourra rien, les créations doivent
chercher à passer par d’autres voies, en médecine comme ailleurs.