Un homme ordinaire peut-il faire le Tour ?
La question est récurrente. A un point tel qu’un journaliste fait chaque étape du Tour la veille des coureurs et est surveillé par une équipe médicale ! S’il échoue que devra-t-on conclure ? Mais surtout, pourquoi on se pose sans cesse cette question, le Tour est-il trop dur, les étapes de montagne inhumaines etc. Ceux qui répondent sont souvent ceux qui ne connaissent rien de la pratique du vélo et n’ont surtout pas envie de la connaître. Que des hommes et des femmes ordinaires puissent pédaler 10 heures par jour des jours durant et avaler plusieurs cols par jour leur parait insupportable. Ce n’est pas normal. Mais si c’est normal !
Ainsi Coluche, qui s’est tué en se dopant de vitesse
avec sa moto, affirmait que pour que le Tour arrive à Paris le 14 juillet il
devrait partir le 1er janvier ! C’était une plaisanterie mais
qui voulait exprimer qu’il était impossible de faire le parcours en 3 semaines
sans dopage. C’est faux ! Archi faux ! Des milliers de cyclistes,
même de plus de 60 ans, sont tout à fait capables de cela. Mais en allant
beaucoup moins vite que les coureurs ! Disons entre 20 et 25 de moyenne et en roulant en petits
groupes pour se relayer.
En 1974 j’ai fait la traversée des
Pyrénées (700 km) en 3 jours, d’Hendaye à Cerbère. Une classique de la
fédération de cyclotourisme. J’avais rejoint Hendaye en 2 jours depuis le
Poitou, avec une traversée des Landes toutes plates aux lignes droites
interminables et avec vent défavorable…Je préfère le Tourmalet ! Le retour
c’est fait en 3 étapes, dont 330 km le dernier jour, en passant par le Massif
Central. Le tout avec un sac de guidon, en dormant à l’hôtel et en roulant
seul, donc sans aucun abri ni relais et sous la canicule puisque 1974 fut
la première de 3 grandes années de sécheresse. 2000km avec chaque jour
l’équivalent d’une étape du Tour dont 3 de montagne avec de 3500 à 5000 mètres
de dénivelé. Pendant la journée je me dopais avec des tomates du fromage, du pain et des gâteaux achetés sur la route
et le soir avec le dîner du jour au restaurant de l’hôtel. J’aurais pu
continuer. Je roulais toute la journée avec des pauses. Pour les 330 kilomètres
du dernier jour j’ai quitté une petite ville du Massif Central à 6 heures du
matin pour arriver à 22h15 à la maison. Ce ne serait pas compatible avec les
horaires du Tour de France et la retransmission télé ! Mais Laurent Fignon
a tout à fait raison : «Finir le Tour de France, ce n'est pas un
exploit. Je l'affirme sans concession. C'est facile de faire du vélo sans
rouler vite. Mais gagner des secondes, ça c'est dur.»
Oui, c’est facile de faire du vélo, du moins pour ceux qui
sont assez doués pour cette exercice et qui savent comment on peut s’économiser
sur un vélo où on est assis, comme au bureau ! (voir les secrets du vélo )
Personne ne se demande si c’est facile de sauter 2,40 mètres
au saut en hauteur ou 6 mètres avec une perche ou de courir le 100 mètres en
moins de 10 secondes ou le 10 000 en 27 minutes. Alors pourquoi on se demande
s’il est possible à un homme ordinaire de faire le Tour de France dans le même
nombre de jours que les coureurs ? Oui c’est possible, même pour un homme
ou une femme de 60 ans, mais pas pour tous. Vu ce que Jeannie Longo réalise à 48
ans on ne voit pas pourquoi elle ne pourrait pas faire le Tour en 3 semaines
quand elle aura 20 ans de plus.